lundi 21 octobre 2013

Les Principes et Exercices Spirituels de la Philosophie Stoïcienne

Avant-propos : pour ce billet, je vous propose quelque chose de totalement différent (en tout cas pour l'instant). Je vais aborder dans cet article, et quelques autres dans un futur proche, une synthèse de plusieurs principes issus de différents courants de philosophie antique grecque. Ces principes et les exercices spirituels qui les accompagnent visent à me servir de bases de réflexion pour la création d'un jeu (d'une forme non encore déterminée) autour de ces thèmes. Pour cette nouvelle série d'articles, je vais débuter par la philosophie stoïcienne, dont les grands principes sont parvenus jusqu'à nous grâce au manuel d’Épictète. Les quelques notions résumées ci-dessous sont principalement tirées du livre "Exercices Spirituels, Leçons de la Philosophie Antique" de Xavier Pavie.


Quels sont les principes stoïciens ?

 

Vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de ces principes :

  • vivre en harmonie avec la nature,
  • maîtriser les passions qui nuisent à son âme par sa propre imagination,
  • accepter et comprendre que tout ce qui arrive est conforme à un certain ordre universel,
  • préméditation des maux pour assurer la paix de l'âme et permettre une constance de l'âme, une sérénité permanente,
  • que le bien moral, à lui-même sa propre récompense, est la volonté de faire le bien, savoir juger chaque circonstance de la vie en s'en tenant à l'objectivité et accepter les événements ne dépendant pas de nous,
  • réaliser que les hommes sont malheureux parce qu'ils cherchent à atteindre des choses, des biens, qu'ils risquent tout simplement de ne pas obtenir,
  • avoir l'obligation de l'exercice quotidien sur soi à pratiquer en vue d'être "meilleur",
  • se détacher de ses désirs en distinguant ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous,
  • avoir une morale de l'effort : pratique de l'anticipation, projection de situations qui provoqueraient tristesse ou malheur. Profiter du moment où l'on est sans souci pour préparer son esprit à ce qui pourrait advenir,
  • savoir surmonter ses sentiments et sa tristesse, comprendre que ce qui advient n'est pas dépendant de nous,
  • de toute chose il ne faut pas être dépendant, que ce soit de la famille, encore plus de la gloire, ou de la richesse à laquelle il ne faut pas accorder d'importance,
  • ne jamais se croire en possession de quoi que ce soit,
  • ne pas considérer et encore moins souhaiter que les choses adviennent comme on le voudrait mais d'accepter que les choses arrivent comme elles arrivent,
  • pratiquer des exercices spirituels : se promener seul pour méditer, réfléchir sur ces projections, d'en profiter pour converser avec soi même. Avoir en permanence à l'esprit ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas.
Comme toute philosophie antique, celle-ci repose nécessairement sur la mise en adéquation des pensées et des actes. Le discours se doit d'être indissociable de la pratique et n'est même véritablement pertinent qu'à travers elle. Seule la mise en œuvre montre l'intérêt du discours. Pour ce faire, chaque philosophie propose de s'exercer à l'application de ses principes au travers d'exercices spirituels.
 

Quels exercices spirituels y sont associés ?


La mise en œuvre d'exercices spirituels s'effectue à la fois dans la pensée et le réel. Il s'agit d'élaborer une attitude intérieure qu'il faut confronter au réel et de contrôler la pensée au moment même où l'on est confronté au réel. Les confrontations au réel relèvent d'un travail, d'une épreuve, qu'il faut accompagner d'un travail de pensée de soi sur soi.

Un épanchement de l'âme qui nous porte vers les autres par obligation ou désir naturel risque de nous faire perdre le contrôle de nous-mêmes. Pour l'éviter, il s'agit de se répéter à soi même par un exercice de la pensée l'évitement de cet épanchement. Ainsi lorsqu'on embrasse son enfant, un proche, un ami, il s'agit de se répéter: "demain tu mourras", "demain, c'est moi qui partirai en exil et nous nous quitterons". Il s'agit par cet exercice spirituel de percevoir la fragilité de l'âme face à l'épanchement naturel, et de l'éviter le plus possible.

Un autre exercice est de savoir prendre de la distance face aux choses mais également d'avoir la capacité de s'en approcher le plus possible pour les définir et décrire pour en fixer la valeur. La description très analytique va même provoquer jusqu'à une forme de dédain vis-à-vis des choses environnantes qui auparavant pouvaient susciter de l'émotion. La prise de conscience de cette méprise à propos des éléments va nous permettre de nous libérer des choses et des sentiments dont nous risquons d'être dépendants. L'application de cette méthode stoïcienne permet de recouvrer ou de préserver notre liberté. Cet exercice de regard et cette nomination des différentes parties, aspérités, dans ses dimensions infimes, vont montrer la complexité de la réalité de l'objet, la fragilité de son existence. L'objectif de cet exercice est la compréhension et la description du monde dans l'intention d'acquérir de la grandeur d'âme.

Chez Épictète, l'exercice pourra prendre la forme d'une promenade. Il demandera de se promener, de regarder ce qui se passe autour de soi, de comprendre les différentes représentations qui s'offrent à soi, de s'exercer à les définir, de jauger ce en quoi elles consistent, notre dépendance par rapport à elle, etc. Épictète insiste aussi sur la nécessité de se remémorer un événement passé, de se rappeler sa nature, sa forme, son interaction avec le moi, le jugement à en avoir, etc.

Il faut une concentration sur les choses telles qu'elles peuvent être, une concentration également sur la conscience de soi. S'il n'éprouve pas de regret, ne se souvient de rien et ne pense pas au futur, c'est uniquement parce que le stoïcien cherche à se concentrer sur le présent, à poser son regard sur l'instant. L'instant, le moment présent, ce n'est rien d'autre que la conscience de soi, la conscience d'un moi agissant et vivant. Il faut savoir concentrer son attention sur ce qu'on pense sur le moment, sur ce qu'on fait à ce moment, sur ce qui arrive en ce même moment. C'est la seule possibilité de voir les choses réellement telles qu'elles se présentent à soi. A chaque instant pour les stoïciens, il faut que le philosophe soit parfaitement conscient de ce qu'il est et de ce qu'il fait.


Pour conclure : la philosophie stoïcienne est exigeante, et peu de personnes peuvent sans doute se vanter d'avoir atteint un stade avancé de sagesse correspondant à ses principes. On peut être d'accord avec une partie seulement de ses principes et en rejeter d'autres (ou ne pas voir l'intérêt de ceux-ci), et la mise en application de ces derniers demande une vraie implication personnelle. On verra dans de futurs articles, que certains considèrent cette philosophie comme l'aboutissement de toute recherche de sagesse. Et vous qu'en pensez-vous ? Vous verriez-vous appliquer certains de ces principes ou exercices spirituels dans votre vie quotidienne ?

4 commentaires:

  1. Première remarque, une question plutôt : très proche du Yi King (Lao Tseu), depuis le doc sur les momies et l'influence grecque en chine, je me demande jusqu'où ces 2 philosophies se rejoignent
    Deuxième remarque : comment vais-je la formuler ? Provoc ou pas provoc ? Allez, très zen (mais il y aura sûrement une petite pique à un moment ou un autre). Ca me semble difficile de faire un JdR autour de ce thème car on demande beaucoup à l'individu d'accepter les évènements (très résumé). Au premier regard, je me dis que la meilleure façon de jouer pour un joueur sera de ne pas s'attacher à son personnage, ni à ce qui l'entoure, ni à ce qu'il vit... Bref, j'ai peur que ce jeu demande au joueur d'être spectateur et détaché. Un jeu de rôle peut-il proposer ça comme expérience ? (et là, même plus la peine d'en rajouter).

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  2. Alors pour ce qui d'un possible rapprochement entre ces deux philosophies, c'est une bonne question. Comme le passage et l'enseignement des philosophies grecques se faisaient principalement par voie orale, il faudrait qu'un disciple (ou un représentant d'une autorité grecque) de celle-ci ait voyagé jusque là bas, ce qui n'est somme toute pas improbable.
    Pour ce qui est de la question "provoc", tu noteras que j'ai prudemment écrit "la création d'un jeu (d'une forme non encore déterminée)". Pour l'instant j'ai en tête une sorte de jeu en solitaire, une mise ou remise en situation d'un évènement personnel s'étant déroulé et sur lequel on pourrait revenir pour le questionner au vu des principes de ce courant philosophique, pour s'imaginer comment on aurait pu y réagir autrement...est-ce que ça te semble déjà plus intéressant comme concept ?

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    1. j'en reste...stoïque ! (oui, bon, elle était facile celle là, et en plus, je ne fais pas avancer le schmilblick ! ;)

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  3. Le Yi king propose ce type d'exercice. Le texte est décliné en plusieurs idéogrammes. Certains l'utilisent comme outil divinatoire mais d'autres tirent au hasard un idéogramme et le confronte à un évènement de leur vie (présent, passé ou à venir) pour méditer sur leur attitude.
    Pour la pique, ce n'était pas vers toi mais plutôt sur le fait que j'ai l'impression que ça existe bien, des JdR qui demandent d'être spectateur et détaché.

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